Certains n'iront pas en enfer.
Dans ce livre talentueux, l'ancien compagnon de route d'Edouard Limonov rend hommage aux partisans du Donbass : " des Tchèques, des Français, des Italiens, des Serbes ..." (p.140). Partis à la guerre comme on irait en colo avec le prof de la Casa de Papel, ces irréductibles ont subjugué une armée ukrainienne structurée ayant l'avantage du nombre. L'auteur évoque la personnalité attachante d' Alexandre Zakhartchenko, ex-président de la république de Donetsk assassiné dans un attentat ( "Que vous me croyiez ou non, cela m'est égal, mais il n'y avait, dans sa conduite, ni bravade ni bêtise humaine, juste de la tendresse et de la ferveur", p. 184 ) Mieux, il s'adresse à ses "infortunés adversaires" avec respect... On sait que Zakhar Prilepine défraye la chronique littéraire depuis plusieurs années ( cf. Pathologies, Je viens de Russie , Ceux du Donbass, etc. ). Rien d'étonnant : ses oeuvres s'inscrivent dans la continuité littéraire russe en même temps qu'elles nous rappellent des écrivains français comme Malraux ( L'Espoir, la Condition Humaine, les Conquérants, etc. ) ou des poètes fulgurants comme René Char. Aussi le principal dessein de l'auteur Zakhar Prilepine est-il surtout, explique-t-il, de "parler des gens dans une situation de crise qu'ils parviennent à surmonter" ( cf. l'interview en ligne du 15/3/21 à consulter sur le site de l'éditeur ).
On se sent proche de l'auteur. On apprend des choses à chaque page. On prend, surtout, un plaisir infini à lire le message humain. Il faut absolument découvrir ce texte qui mixe les faits avec une incroyable générosité.
Présentation de l'éditeur :
"Si Ceux du Donbass, paru en 2018 était une chronique des événements, un exercice littéraire proche de celui d’un mémorialiste où, de l’aveu même de l’auteur, son Donbass à lui restait hors-champ, Certains n’iront pas en enfer est un roman d’autofiction. Écrit et publié après le retour de Zakhar Prilepine du Donbass (en juillet 2018), il est marqué par un certain recul pris par rapport aux événements. Cela imprègne le récit d’une indéniable mélancolie et permet de magnifier la réalité pour donner une stature quasi-mythique à certains des personnages évoqués.
Certains n’iront pas en enfer est donc inspiré d’une expérience personnelle, issue de l’engagement de Prilepine dans le conflit du Donbass. Prilepine offre ici un texte éclectique, impressionniste et littéraire qui nous permet de mieux comprendre les raisons de son départ pour le Donbass, son état d’esprit et ses occupations concrètes pendant les années de guerre. Il retrouve ici sa plume imagée et concise et une force d’évocation captivante. Comme chez son mentor Edouard Limonov, la prose romanesque est aussi le prétexte pour créer un double fantasmé et omniprésent.
Prilepine donne la parole à Zakhar, son alter ego et narrateur. L’action se situe entre la fin de l’année 2015 et la mort d’Alexandre Zakhartchenko, chef de la République populaire de Donetsk (la DNR). Zakhar est alors conseiller de Zakhartchenko, et son bataillon devient l’une des composantes de la garde du dirigeant. Il jouit d’une position privilégiée et il est admis dans le cercle des associés les plus proches du chef. Zakhar raconte la vie de tous les jours des combattants à Donetsk, comme par exemple la tentative infructueuse de capturer un combattant ukrainien pour un échange de prisonniers. Il y a des descriptions hautes en couleurs de combats, mais aussi du quotidien dans les tranchées et durant les quelques moments de liberté. On en apprend également plus sur ses compagnons d’armes, pour lesquels Prilepine a souvent un grand attachement et respect, ainsi que sur son affection pour Zakhartchenko, qu’il considère affranchi et indépendant de Moscou.
À ces réflexions politiques et parfois polémiques s’ajoutent des moments plus personnels, notamment lorsqu’il reçoit à Donetsk la visite du rappeur Husky, l’une des rares célébrités russes à soutenir activement les événements dans le Donbass, ou un dîner en compagnie de Monica Bellucci et d’Emir Kusturica lors d’une improbable escapade à Moscou."
L'auteur : Ecrivain, journaliste et homme politique, Zakhar Prilepine, né en 1975 dans un petit village de la région de Riazan, est l'un des romanciers les plus en vogue de la Russie contemporaine. Il a vu ses oeuvres traduites dans une vingtaine de langues et plusieurs de ses romans sont adaptés au théâtre et au cinéma. Plusieurs de ses romans ont été publiés aux éditions des Syrtes :
Pathologies (2007 et réédition 2017)
Le Péché (2009)
Pathologies – livre de poche (2018)
Le Péché – livre de poche (2018)
Ceux du Donbass (2018)
Officiers et poètes russes (2019)
Certains n'iront pas en enfer.
par Zakhar Prilepine
Roman traduit du russe par
Jean-Christophe Peuch.
https://editions-syrtes.com/
EAN : 978-2940628780 ; février 2021 ; 325 pages ; 22 €