Je viens de Russie
On aurait tort de penser qu'il ne se passe rien ou presque en Russie. Comme nous l'avons vu dans un précédent post ( Les enragés de la jeune littérature russe ), la "katastroïka", sorte de glacis ultralibéral ayant suivi la "perestroïka" gorbatchévienne, a donné naissance à d'innombrables talents encore méconnus ici. Parmi ceux-ci Zakhar Prilepine, dont les éditions de la Différence viennent de publier Je viens de Russie, un recueil de chroniques-confessions assez extraordinaire. L'auteur y confronte le lot quotidien des Russes à l'histoire et à la culture, ce qui nous gratifie de visions, voire, d'analyses profondes ( On pense, par exemple, au parallèle entre Cervantès et Che Guevara ). Comme l'auteur du Quichotte, l'actuelle génération sacrifiée peut dire : "Je vais portant sur mes épaules une pierre avec une inscription où se lit l'avortement de mes espérances". Voilà, en tous cas, un livre majeur à lire rapidement pour mieux comprendre l'actualité. Ces "confessions", satiriques et pertinentes à la fois, tombent à point nommé. Zakhar Prilepine : une sacrée personnalité avec qui il faudra compter.
Présentation de l'éditeur :
"Zakhar Prilépine, que beaucoup considèrent en Russie comme le Maxime Gorki de notre temps, est, à 38 ans, l’auteur d’une dizaine de romans traduits dans plusieurs langues. San’kia, le plus célèbre d’entre eux, a fait de lui un gourou de la jeunesse. Ni ses idées politiques radicales ni son engagement dans le mouvement national-bolchevique de Limonov ne détournent de lui des millions de lecteurs. C’est qu’il empoigne la terrible réalité russe des « années zéro », de 2000 à aujourd’hui, sans pathos ni faux-semblants, avec une lucidité implacable servie par un immense talent. Il était temps d’offrir aux lecteurs français son Je viens de Russie, recueil de miniatures écrites à la volée, sur les genoux de l’actualité. Autant que le sous-texte de ses romans, elles forment un condensé merveilleusement spontané de ses émotions, de ses colères et de ses intuitions. Ainsi, ose-t-il avouer avec humour ses pulsions régicides dans « Comment je n’ai pas tué Eltsine ».
Il y est donc question de politique, de littérature, d’histoire, d’amour, d’impressions de voyage, de tout ce qui le fait vivre et écrire à cent à l’heure. Il dit mieux que personne l’effroi que ressent la grande majorité des Russes devant « le magma incandescent qui cherche la sortie », autrement dit la menace d’effondrement général qu’il nomme Terra Tartarara. Mais, en contrepoint de cette version possible d’Apocalypse now, il dit tout son bonheur de « venir de Russie », ses sensations d’enfance provinciale qu’il garde aussi fraîches que la délicieuse brûlure de la neige dans les bottes. L’unité du livre tient à cet alliage subtil de pressentiments funestes et de jubilation infinie d’appartenir à cette terre."
L'auteur :
Né en 1975, Zakhar Prilepine a combattu en Tchétchénie entre 1996 et 1999 avant de s’engager dans les forces spéciales et d’exercer plusieurs métiers. Membre du parti national-bolchevique depuis 1996, il est l’un des intellectuels protestataires les plus célèbres de Russie. Il s’est fait connaître du grand public en 2004 avec son roman Patologii, relatant sa guerre de Tchétchénie. San’kia, fiction sur le terrorisme, paru en 2006, lui a valu la célébrité. Je viens de Russie rassemble des textes écrits entre 2003 et 2011.
Je viens de Russie
par Zakhar Prilepine
Confessions traduites du russe
par Marie-Hélène Corréard
Collection : Littérature étrangère.
ISBN : 978-2-7291-2101-3
290 pages ; 22 €