Livres Critique

"Votre paix sera la mort de ma nation"

 

  

  L'excellente collection « Les Transparents », parue chez l'éditeur : Le Passager Clandestin , me bouleverse littéralement. Rendant hommage à René Char, le poète incandescent - «  Le monde de nos jours est hostile aux Transparents »...- elle  offre de magnifiques petits livres, aisément lisibles et manipulables, remarquablement réalisés par un imprimeur bourguignon. A chaque fois, des questions tirées du passé m'y interpellent et me donnent l'impression d'être plus intelligent  ( Voir à ce sujet  notre précédent post : 

Quinze jours au désert avec Tocqueville : une vraie surprise.)  

   Il se trouve que cet éditeur a encore créé l'événement avec : Votre paix sera la mort de ma nation. Les lettres de guerre d'Hendrik Witbooï, capitaine du grand Namaqualand.

 

Présentation de l'éditeur :

   "En 1884, le Sud-Ouest africain (actuelle Namibie) est proclamé protectorat allemand. L’année suivante, le mandataire militaire du Kaiser signe un traité d’alliance avec l’un des principaux peuples de la région (les Hereros). Hendrik Witbooi, chef du peuple Nama qui occupe la partie sud du pays, refuse la protection allemande. En 1893, après l’attaque meurtrière de son camp par les troupes du gouverneur Curt Von François, il se lance dans une intense guérilla, durant laquelle il entretient une correspondance avec ses adversaires et ses alliés. Les lettres de Witbooi portent la voix d’un chef de guerre avisé et convaincu du bien-fondé de sa résistance. Elles montrent aussi sa clairvoyance face à l’écart entre le discours et les desseins du colonisateur occidental."


   Ce témoignage direct de résistance nous éclaire au plus haut point sur l'histoire de l'Afrique et des violences liées à la colonisation. Véritable journal de bord du ressenti des peuples, il illustre la grande multiplicité des fronts ouverts en pareil cas. Tenter de réaliser l'unité des collectifs (« L'unité, sinon l'anarchie vous dévorera », disait ailleurs Bolivar ) et rendre chacun conscient des enjeux s'avèrent alors aussi titanesques que  tenir la dragée haute aux envahisseurs  : « Les lois des blancs sont dépourvues de toute compassion et de toute tolérance envers l'homme ». Les événements relatés par Witbooï le révèlent : toute tentative d'asservissement commence par la mise en conflits des imaginaires et le déni des histoires locales.(« Je ne parviens pas à saisir pleinement la profondeur de vos motivations ou de vos intentions (…) ce que je crois en saisir me semble étrange, contraire à mes conceptions et incompréhensible... ») A l'évidence, cet échange épistolaire sonne le glas de la culture des peuples, telle que nous l'avions connue en Europe, en Afrique et ailleurs jusqu'au début du XXème siècle. Witbooï et Göring ( ou Von François ), c'est toujours le couple Saladin-Richard Cœur de Lion évoqué par Régine Pernoud : on ne part pas en guerre sans avoir épuisé, au préalable, toutes les ressources rhétoriques. On rend hommage à son adversaire, on le traite en ami, avant de le combattre, s'il n'y a pas d'alternative. Ces lettres sont des appels pathétiques à la raison et au bon sens. Elles offrent un réquisitoire implacable contre ce qui allait bientôt accabler l'Afrique, voire, le monde entier : l'imposition au forceps de l'idée de nation, la destruction des cultures locales, le début des grands génocides, comme on le verra pour les Hereros ou à Madagascar. Décidément, cette lecture profonde et émouvante incite à ne plus passer à côté des « Transparents » ...

Hendrik Witbooi
« Votre paix sera la mort de ma nation »
Lettres de guerre d’Hendrik Witbooi capitaine du Grand Namaqualand

Préface de J. M. Coetzee
Éditions   Le passager clandestin

Tarif: 16 € 172 pages - format : 110 x 195 ISBN : 978-2-916952-42-0

Un grand "Transparent" namibien : Hendrik Witbooï 

 



28/11/2011
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