Philippe Henriot. La voix de la Collaboration
somme
Agressif, dénué d'éthique, antidémocrate, antisémite, anticommuniste, capable " de haïr jusqu'au meurtre " : Philippe Henriot, le "grand inquisiteur" ( p.336 ), n'attirait pas la sympathie, y compris dans son propre camp ( "J'avais eu peu de goût pour ce catholique dégingandé, aux oreilles décollées, député des bien-pensants bordelais, défenseur de la famille et de l'Autel" ) ( Lucien Rebatet cité p. 95 ). Cependant, son dynamisme oratoire impressionnait : comme l'écrivent les auteurs, " ce qui le motivait, c'est l'orgueil et l'ivresse de dominer par le verbe" (p.337). Il faut lire absolument cette biographie dans laquelle Pierre Brana et Joëlle Dusseau ne se limitent pas à décrypter l'idéologie du polémiste. Le situant dans son cadre - la vie provinciale, l'atmosphère étouffante de la société bordelaise, l'omniprésence de l'église catholique dans la vie politique de droite - ce texte nous offre une radiographie monumentale des égarements de la bien-pensance ayant mené au clérico-fascisme, tel qu'on le subit ailleurs avec Franco en Espagne ou Mgr Tiso en Slovaquie. Le grand intérêt de ce livre - une somme de recherche et d'analyse politique - réside dans le fait qu'il dévoile la face cachée de la bourgeoisie bordelaise avant et pendant le deuxième conflit mondial. Avec ce récit fouillé, Pierre Brana & Joëlle Dusseau réussissent l'exploit de nous faire mieux comprendre l'époque actuelle à la lueur du destin d'une figure noire. Un tour de force.
Présentation de l'éditeur :
"Professeur obscur d'un paisible collège de province, Philippe Henriot collectionne les papillons, écrit des poèmes, mène une vie discrète et rangée. Qu'est-ce qui pousse à 35 ans ce catholique traditionnel à se lancer dans la bataille politique ? A s'engager dans une carrière qui l'amènera après-guerre des bancs de l'Assemblée au ministère de l'Information de Vichy en 1944 ? Ce champion des suspensions de séance, cet accusateur-inquisiteur a depuis toujours un ennemi viscéral, la franc-maçonnerie. Dans les années 1930, il en découvre un autre, le bolchevisme. A partir de l'invasion de l'URSS, Hitler devient pour lui le héros d'une nouvelle croisade.
Mais Henriot, au-delà de ses prises de position, c'est d'abord une voix. Une voix qui transfigure cette figure austère, une voix qui fascine, une voix qui vide les rues des villes quand, deux fois par jour, il parle à la radio. Au point que la Résistance et la France libre commanditent son exécution. C'est aussi un homme qui brûle, qui fascine, un homme haï, même de son propre camp, symbole d'un catholicisme qui a fait le choix d'abord de la droite extrême, puis de l'extrême droite collaborationniste sous Vichy."
Les auteurs :
Pierre Brana et Joëlle Dusseau, fins connaisseurs de la vie politique, ont publié sur des politiques et syndicalistes et leurs itinéraires dans la collaboration et la résistance. Ils ont coécrit les biographies d’Adrien Marquet, maire de Bordeaux et ministre de Pétain, et de Robert Lacoste, ministre résidant en Algérie de 1956 à 1958.
Philippe Henriot. La voix de la Collaboration.
Par Pierre Brana & Joëlle Dusseau
Isbn : 9782262064808 ; avril 2017 ; 350 pages ; 24 €