Ombres d'Hommes
C'est un livre saisissant que nous offrent les éditions Lux : publiées en 1930, ces Ombres d'Hommes ( "Shadows of Men" ) n'ont rien perdu de leur acuité à l'heure de la persistance des maux de la rue. Bien au contraire. Cette chronique des sans toits " lacérés par la vie et déchirés par la souffrance " ( p.28) interpelle son lecteur par la limpidité du style et la profondeur de ses réflexions ( cf. p. 77 : "En prison, l'homme se révèle comme nulle part ailleurs. C'est un monde au système nerveux détraqué et dont la majorité des citoyens est analphabète et instable. Les gardiens et souvent les juges ont le même niveau mental. La vengeance, soeur jumelle de l'ignorance, a toujours été l'esprit qui anime les prisons. Les jeunes apprennent les voies du crime dans les maisons de correction et les prisons. Ils imitent ceux qui, très tôt dans leur vie, les ont impressionnés". ) A la façon d'Hemingway, Jim Tully alterne récit auto-biographique et psychologie, dialogues et action, véracité des personnages et style dépouillé. Au-delà du lecteur lambda qui sera fasciné par la façon dont les vagabonds tentent, envers et contre tout, de reconstituer une société différente, ce roman intéressera au plus haut point les éducateurs, les enseignants et les travailleurs sociaux. Ayant compté parmi les romanciers les plus célèbres d'Amérique avant le second conflit mondial, Jim Tully savait de quoi il parlait : il avait lui-même "brûlé le dur" à quatorze ans, sautant d'un train de marchandises à l'autre et côtoyant des personnages fabuleux. Emaillé de nombreuses leçons de vie, ce livre incandescent dépasse tout ce qu'on a pu lire sur le quart monde, les migrants ou les gens de la rue.
Présentation de l'éditeur :
"À l’aube du XXe siècle qui sera celui des États-Unis, marginaux, ingouvernables et tous ceux qui n’entrent pas dans le jeu de la prospérité mènent une vie dangereuse. Ils sont harcelés par les policiers de toute sorte, expédiés en taule par les juges, lynchés par les bons citoyens. En prison, écroués pour avoir voyagé ou mangé sans payer, pour avoir trop bu ou pour avoir tué, les vagabonds du rail et autres délinquants devenus oiseaux en cage racontent leur vie pour ne pas se laisser engloutir par le silence, en attendant la liberté ou la mort.
Jim Tully, maître oublié des écrivains vagabonds, raconte ici les mois qu’il a passés en prison lorsqu’il était jeune hobo. Alliant humour noir, critique sociale et empathie, il relate les exploits de Nitro Dugan, le célèbre monte-en-l’air ; la folie de Dippy, le pyromane ; les hallucinations de Hypo Sleigh, l’héroïnomane ; et les harangues du charlatan frère Jonathon, inventeur du Donneur de vie.
D’abord publié en français en 1931 dans une traduction un peu tronquée signée Titaÿna, le roman de Jim Tully est ici offert en français pour la première fois dans sa version intégrale."
L'auteur : Jim Tully (1886-1947) fut road kid, boxeur, chaînier, arboriculteur, puis journaliste à Hollywood, où il fréquenta Charlie Chaplin, W.C. Fields, Frank Capra et von Stroheim. Aujourd’hui, bien qu’il soit moins célèbre qu’il le fut dans les années 1930, il est considéré comme l’un des pères du roman noir américain. Ses romans, récits de l’Amérique des bas-fonds, décrivent avec un réalisme saisissant le côté sombre du rêve américain.
Ombres d'Hommes
Par Jim Tully
Traduit de l'anglais ( américain ) par Titaÿna ( revue par Cyril Gay ).
Coll. "Orphée"
Isbn : 9782895962434 ; mai 2017 ; 295 pages ; 18 €uros.