Le Merle bleu
Au-delà d'un témoignage sur les réfugiés, Vesna Maric nous offre le récit lénifiant d'une adolescente pleine de vie confrontée à l'exil en Angleterre. Le lecteur est impressionné par l'autonomie et la capacité d'adaptation de la jeune fille dans un milieu fort différent. Ce récit autobiographique abonde d'anecdotes sans jamais tomber dans le pathos. Vesna nous fait sourire de ses propres déboires ou de ceux de ses voisins. On se laisse séduire par cette écriture tendre et limpide. Mieux, on vibre avec elle.
Présentations de l'éditeur :
« Elles ont passé des heures à expliquer qu’habituellement nous avions tout : des lits, des draps, du linge de rechange brodé et même amidonné dans nos armoires ; des verres en cristal, des souvenirs, de la vaisselle en porcelaine, des passeports, des aspirateurs, des animaux domestiques, des goûts de luxe, des jours fériés, des odeurs, des bruits, et surtout, surtout, que nous nous aimions les uns les autres, que nous n’avions pas passé les cinquante dernières années à nous haïr en secret en attendant la première occasion de nous étriper au grand jour de la façon la plus sauvage qui fût. Elles voulaient expliquer que la guerre était une méprise, un stratagème inventé par des politiciens diaboliques, que ça n’avait rien à voir avec nous, les individus assis devant eux (...)
Aucun de nous ne savait exactement où nous allions et Dragan nous avait seulement dit de prendre des tenues décontractées et d'avoir l'air aussi négligé que possible, parce que selon lui les gens du groupe précédent étaient trop bien mis. Les Anglais s'étaient plaints qu'ils n'avaient pas vraiment l'air de réfugiés. La semaine précédente, Dragan avait fait à ma mère leur portrait au téléphone : "Ils avaient l'air de s'être habillés pour une noce !" J'imaginais mes vaniteuses compatriotes dans les vêtements à la mode italienne emportés de chez elles à la hâte, rouge à lèvres et ombre à paupières impeccables en guise d'armure.
Tout naturellement, les Anglais s'étaient attendus à quelque chose d'un peu plus dans le "genre" réfugiés : une population en souffrance, les épreuves lisibles sur les visages, les vêtements déchirés et froissés, les yeux des enfants rougis à force de pleurer. Dragan slalomait dans la foule pour inspecter de près la tenue de chacun, coincer un bout de chemise, de jupe ou de pantalon entre deux doigts et frotter, afi n d'éprouver leur qualité, une grimace de dégoût sur le visage.
Il apparaissait que nous étions bien loin d'être dans la norme. Mais la devise tacite de ces mères bosniaques était : "Si nous devons devenir des réfugiées, ne donnez pas notre misère en spectacle, laissez-nous au moins avoir belle allure", et je pouvais les comprendre. Ce n'était pas facile de passer sans transition à l'état de refugié. »
L'auteure : Née en 1976 à Mostar, Vesna Maric a quitté la Bosnie à l’âge de seize ans dans un convoi de réfugiés à destination du Royaume-Uni. Le Merle bleu retrace le chemin souvent drôle et toujours décalé de Vesna. Le récit plein d’humour de cet exil désamorce avec tendresse, profondeur et une finesse inouïe les idées reçues sur le déracinement.
Le Merle Bleu
Par Vesna Maric
Editions Intervalles
https://www.editionsintervalles.com/
ISBN : 9782369560647 ; mai 2018 ; 220 pages ; 19 €uros