« Ma machine à écrire était posée sur une caisse. Je m’asseyais à même le sol, jambes écartées, serrant la caisse entre mes cuisses. Dans le cône de la lumière que diffusait l’abat-jour d’opaline verte, je ne voyais plus que le clavier, mes doigts et ces phrases qui, alignées, régulières, me semblaient dictées par une voix qui naissait dans ma poitrine et emplissait ma bouche d’une salive âcre.
Ces mots, collés l’un à l’autre, allaient devenir des essais, des livres. Je le savais, je le voulais, c’était ça mon vrai destin.
Ma “première vie” n’était qu’une apparence. Un jour, je n’aurais plus à donner le change, à apprendre à faire fonctionner une fraiseuse, à ajuster une queue d’aronde, à subir les sarcasmes d’un professeur d’atelier qui m’accusait de n’être qu’un “bon à rien”, un “flemmard”, un “prétentieux” qui avec ses grands airs n’était même pas capable de limer en tenant son outil à quarante-cinq degrés.
Je serais libre. »