Février 33, l'hiver de la littérature.
Que faire quand Hitler et la machine nazie rebattent les cartes de la vie culturelle ? Comment vivre dans un pays où "rien n'échappe à l'idéologie" ? (p.122) Peut-on vraiment résister ? Comment ? Cette impressionnante reconstitution dresse le calendrier fidèle des événements survenus à Berlin en février 1933. Elle retrace les comportements des uns et des autres, partagés entre la tentation du renoncement ( Max von Shilling, Gottfried Benn ), la lutte de l'intérieur ( Klaus et Erika Mann ), l'indécision ( Oskar Maria Graf, "Je m'en vais, je reste", p.197 ), l'exil - à condition de "rester ensemble" comme le souhaitait Brecht ( "La pire chose qui nous menace dans l'émigration, c'est d'être séparés", p.151 ) voire, même, la tentation du suicide. Narrant les faits de façon quasi-cinématographique, le critique littéraire Uwe Wittstock nous offre un panorama aussi saisissant qu'empathique. Partant d'un point d'orgue, le bal de la Presse du 28 janvier 1933, il explique comment l'élite littéraire allemande fut peu à peu contrainte de prendre la direction du petit village de Sanary-sur-Mer. Quatre vingt dix ans après les faits, le lecteur est interpellé par cette terrible tentative de destruction de la pensée. A l'heure d'un possible retour de la "bête immonde", cette chronique saisissante révèle des personnages forts, emportés dans le naufrage de la démocratie. Uwe Wittstock met en scène un livre ultra-poignant et vraiment difficile à quitter.
Présentation de l'éditeur :
"Février 33, un livre d’histoire pas comme les autres, revient sur les événements qui se sont déroulés pendant le mois de février 1933 en Allemagne. Hitler a été nommé à la chancellerie le 30 janvier, et les jours qui suivent vont décider du destin de l’Allemagne et de l’Europe tout entière. Nous savons aujourd’hui de quelle manière ces quelques jours ont changé la face du monde, mais Uwe Wittstock a choisi de les évoquer en se plaçant à la hauteur des personnes qui les ont vécus dans l’ignorance de ce qui allait suivre. Jour après jour, dans une dramaturgie bien maîtrisée, l’auteur restitue l’ambiance de tout un pays, en racontant ces quelques semaines qui ont fait basculer la démocratie de Weimar dans le IIIème Reich.
Le prisme choisi est celui des écrivains, journalistes et intellectuels, et les protagonistes du livre de Wittstock s’appellent donc Thomas, Heinrich, Klaus et Erika Mann, Bertolt Brecht, Erich Maria Remarque, Alfred Döblin. Ou encore Carl Zuckmayer, Else Lasker-Schüler ou Gottfried Benn. Chacun des protagonistes est introduit avec concision, par un rappel de son rôle public et de sa situation personnelle. Et Wittstock nous raconte comment chacun d’entre eux, dès le 1er février, se demande s’il est sur une liste, en tant que juif, communiste, homosexuel ou intellectuel engagé. Car l’étau se resserre très vite, et ce même avant l’incendie du Reichstag pendant la nuit du 27 au 28 février qui sonnera le glas des dernières libertés individuelles : la SA intimide tous ceux qui ne rentrent pas dans le rang, empêche les manifestations culturelles ou les premières dans les théâtres du pays autant que les réunions politiques. L’Académie des arts devient un autre enjeu symbolique, car il faut faire partir le « gauchiste » Heinrich Mann. Son frère Thomas est en tournée en Europe, pour sa conférence sur Wagner, et décide de ne pas rentrer. Klaus et Erika, empêtrés dans des histoires d’amour impossibles mais portés par le succès de leur cabaret satirique à Munich, veulent d’abord lutter de l’intérieur. D’autres, comme le poète Gottfried Benn croient que le nouveau régime leur apportera enfin la reconnaissance tant désirée. Mais tous seront pris dans la violence du nouveau régime. Les lois d’exception et le résultat des élections du 5 mars mettent un terme à cette période de transition que Wittstock raconte comme un roman à rebondissements."
L'auteur : Uwe Wittstock est journaliste et critique littéraire. Il a travaillé comme éditeur de littérature allemande pendant une dizaine d’années. Sa bibliographie comprend des livres sur Marcel Reich-Ranicki, Karl Marx, ou la littérature allemande contemporaine. Il a également occupé le poste de correspondant du journal « Die Welt » à Paris pendant quelques années
Février 33
L'hiver de la littérature
Par Uwe Wittstock
Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni.
Isbn : 9782246831693 ; février 2023 ; 448 pages ; 26 €