Face au tout-image, reprenons la parole !
La suprématie de l’image est-elle en train de rendre vaine toute autre forme d’expression ? Et avant tout la parole, qui fonde l’humain dans le travail, le couple, la famille, la société… Le déluge d’images – cybernétiques, informatiques, hertziennes – révèle aujourd’hui sa face cachée : notre parole se dévalue ! Chacun est renvoyé à lui-même ou aux outils technologiques. Les opportunités d’échange et d’écoute authentique se raréfient : ceux qui parlent à notre place le font souvent pour ne rien dire, pour imposer des techniques ou pour entretenir des fictions. Il y a de plus en plus d’informations, mais de moins en moins de communication.
Aujourd’hui, des images de plus en plus impératives influencent nos émotions et nos capacités à discourir. Rares sont les individus – comme jadis les tribuns, les prédicateurs, les instituteurs ou … les parents – aptes à mettre des mots sur la violence donnée à voir. Notre parole se noie dans une déferlante d’images et nous nous éloignons peu à peu de ce qui fonde nos sociétés : le débat et la construction de sens. Un peu partout, nous confions à la technique le soin de gérer nos relations. Des robots, des ordinateurs ou des caméras découpent ainsi le réel en tranches et répudient les mots. La ronde des images devient plus vraie que la vie : elle s’interpose entre nous et le monde, efface et dépolit sans cesse la réalité. En déréalisant notre univers, l’environnement « idiot-visuel » se révèle être une extraordinaire fabrique d’inadaptation qui nous conduit droit dans le mur ; peu à peu, les générations se confondent : les enfants sont transformés en prescripteurs , et les parents, en grands enfants. Les plus jeunes parviendront-ils à se construire ? Mais en même temps, quel soulagement … L’empire virtuel nous débarrasse du passé, de l’expérience et, souvent, de l’autre, cet importun.
Quand retrouverons-nous l’espace de l’écoute, du sens critique, de l’expression personnelle, bref de tout ce qui permet de vraiment jouir de la démocratie ? Que faisaient les anciens ? Que fait-on ailleurs ? Outre-Manche, par exemple, on continue à enseigner l’art du discours et du « bien parler ». Allocutions et prises de parole y sont conçues comme des actes inventifs, qui stimulent et participent au bonheur, alors que la France, elle, a abandonné la rhétorique en… 1905. En apprenant à les pratiquer, chacun acquiert pourtant des qualités universelles, préserve son naturel et atteint son point d’équilibre.
Tel est le parti-pris de ce livre ; réunissant un ensemble de conseils simples et applicables, il aborde les questions de l’authenticité, de l’écoute, du dialogue intergénérationnel ou encore de la place du corps, afin de réussir le passage à l’oral. L’auteur donne notamment la parole à des professionnels et praticiens de l’intervention orale : sémiologue, éducateur, psychomotricien, psychanalyste, metteur en scène. Face au tout-image, reprenons la parole !
Collectif sous la direction de Jean-Pierre Gayerie
( 210 pages, 15 x 21 )